Consultants, le jugement de vos clients ne vise pas d’abord votre compétence ni celle de votre cabinet conseil. Votre légitimité n’existe que dans l’œil du client. Elle ne se décrète pas et se construit par le jeu subtil de votre positionnement sur le temps du projet, l’échelle de consommation et le cycle du projet.
Les clients jugent les consultants
Légitimité
Dérivé de lex, legis « loi ».
Sens :
– fondé en droit ou reconnu par la loi ;
– établi par la loi, conforme aux règles ;
– conforme à la constitution ou aux traditions politiques ;
– issu d’un mariage (enfant légitime) ;
– conforme à l’éthique, à la morale, à la raison ;
– justifié, bien-fondé (une inquiétude légitime).
Vos clients ne portent pas d’abord un jugement sur votre compétence de consultant ou celle de votre cabinet. Celle-ci est présumée (d’autant plus que la marque conseil est forte) et doit être démontrée tout au long du cycle de décision et d’achat de la mission.
La légitimité n’existe que DANS L’ŒIL DU CLIENT qui l’évalue en permanence.
Elle ne se décrète pas.
Elle n’est pas la propriété intrinsèque du cabinet conseil ou du consultant.
Elle se construit (ou se déconstruit) par le jeu subtil et conjugué de vos positionnements sur 3 champs :
1. Le temps de la mission
2. L’échelle de consommation
3. Le cycle du projet
Critère de jugement N° 1 Le temps
Plus la mission sera orientée vers le futur ou le « non encore déterminé », plus la légitimité sera forte. Ce critère doit être corrélé avec les autres critères 2 et 3.
La mission peut s’inscrire dans 4 temps du client :
1. son temps passé | 2. son temps opérationnel | 3. son temps stratégique | 4. son temps prospectif |
Ex : audit comptable,
audit de projet retour d’expérience |
Ex : nouvelle organisation
déploiement de système ou de projet |
Ex : transformation numérique
projet d’alliance ou de rachat |
Ex : innovation de marché, changement de métier,
évolution culturelle ou managériale |
Critère de jugement N° 2 L’échelle de consommation
Plus le ou les « consommateurs » de la mission auront d’influence sur l’organisation et/ou occuperont un rang élevé dans l’organisation, plus la légitimité sera forte.
Le consultant devra savoir mobiliser ces consommateurs et établir avec eux une relation dans la durée et de confiance.
Attention. L’échelle de consommation ne se confond pas avec les instances de décision (influenceur, décideur) ou d’achat (prescripteur, acheteur) ni directement avec l’organigramme hiérarchique.
Elle désigne le bénéficiaire ultime de la mission.
Attention. Les structures projet hors hiérarchie sont souvent élevées dans l’échelle de consommation. Le même commentaire peut être fait sur les conseillers internes ou externes qui interviennent auprès des dirigeants.
Attention. Des acteurs externes peuvent être influents (réseaux de dirigeants, pouvoirs publics, partenaires sociaux, …) et méritent de rentrer dans une stratégie des alliés .
Critère de jugement N°3 Le cycle du projet
Le cycle du projet comprend des phases très en amont et souvent peu encore formalisée :
1. A l’origine de la future mission (qui se réalisera ou non), le client, le dirigeant dans la majeure partie des cas, passe :
- de l’idée d’un projet à concevoir,
- à l’intention de l’initier,
- puis il affirme et formalise son ambition d’agir,
- enfin il fait partager cette ambition (le plus souvent au cercle des dirigeants et parfois sous la forme d’un livre blanc).
2. La phase amont du projet mobilise plus largement les cercles dirigeants et les conseils ou les équipes projet dédiées (souvent encore confidentielles). Elle passe par plusieurs étapes, mieux connues des consultants :
- le projet stratégique (souvent sous la forme d’une note stratégique),
- le plan stratégique, qui sert de cadre à l’action,
- les programmes, plus opérationnels, cadrés et formalisés.
3. La phase aval du projet est très formalisée par les consultants dans la plupart des cabinets conseil. La phase de réalisation ou de microréalisation comprend :
- le plan opérationnel est orienté vers l’action, il reprend le plus souvent la méthodologie de la gestion de projet,
- il est décliné en opérations, micro-opérations et descend souvent au niveau de la tâche à réaliser.
4. Egalement en aval du projet mais plus en ligne avec les comportements et savoir-faire du consultant on peut identifier :
- des gestes opérationnels (les savoir-faire souvent repris dans la méthodologie du cabinet ou du consultant et qui contribuent à l’ergonomie des tâches)
- des gestes cognitifs (les savoirs être, les fondamentaux comme l’éthique ou la relation au travail, au pouvoir, les valeurs, les symboles…)
Attention. Le positionnement revendiqué ou perçu du cabinet conseil et/ou du consultant se situe souvent plus en amont du projet que dans la réalité vue du client.
On observe une tendance naturelle à ne pas être complétement lucide et à « remonter dans le cycle du projet ».
Attention. Un même cabinet peut intervenir successivement sur plusieurs dimensions du projet (accompagnement de dirigeant, projet stratégique, déploiement ou opérations).
C’est le chaînage des missions recherché par tous les cabinets conseil qui assure la fidélisation des clients et l’optimisation financière de la ou des missions.
Plusieurs consultants peuvent également intervenir simultanément ou successivement sur différentes dimensions :
- amont (Associés, dirigeants de cabinet, experts reconnus du secteur ou de la fonction)
- et aval du projet (consultants juniors pas exemple) suivant la hiérarchie des grades et des compétences et le partage des tâches au sein du cabinet.
Certains cabinets conseil, notamment dans le domaine de l’excellence opérationnelle revendiquent d’être aussi efficient dans les Boardooms que dans les ateliers. Les grands stratèges sont aussi présents dans le champ opérationnel même s’ils construisent leur réputation et leur identité en amont ou très en amont des projets.
Le jugement client final
Il vous attribuera un « terrain de jeu» qui déterminera un mode de relation client et un degré d’intimité et de confiance et définira : la publicité ou la confidentialité, la fréquence, la nature, le budget des missions, et même le prix de journée des consultants.
Les différentes formes et niveaux de légitimité vont varier d’une forte personnalisation de la relation à sa plus ou moins grande dépersonnalisation (que l’on retrouvera dans les logiques commerciales : du gré à gré à la consultation, de l’appel d’offres aux enchères inversées.
Attention. Le client exprimera rarement son jugement sur le cabinet ou les consultants. On le retrouvera dans le rating et les grilles de référencement des acheteurs et surtout dans la manière dont nos clients parlent de nous une fois la porte refermée :
Selon l’expérience du métier et du marché de Devenir, on évaluera trois principaux niveaux de légitimité du cabinet conseil et du consultant :
- « Mon » conseil désigne un consultant intime des dirigeants (intuitu personae, souvent un Associé) ou un cabinet conseil (reconnu leader dans le secteur ou sur une niche donnée. On le nomme parfois gourou, c’est le plus souvent un « visiteur du soir ».
- « Mes » consultants (le pluriel est important) désigne des cabinets conseil ou les équipes de consultants (de l’Associé au junior) qui interviennent quand le projet est déjà décidé et quand la mission fait l’objet d’un cahier des charge plus ou moins détaillé.
- « Les » prestataires ou les équipes de (nom du cabinet conseil) désigne mais de manière moins personnalisée les consultants ou équipes projet qui sont impliqués dans la réalisation de la mission.
Attention. Ce jugement des clients ne constitue en aucun cas une hiérarchie des compétences entre les cabinets conseil ou les professionnels. Il situe a priori et dans la conduite de la mission un niveau d’attente et d’intensité de la relation
avec le cabinet conseil et les consultants.
Il est difficile d’évaluer avec précision sur quel terrain de jeu jouent les différents cabinets, néanmoins on peut situer les ordres de grandeur :
- 5 à 10 % des cabinets et des professionnels relèvent de la logique « mon « conseil,
- 30 à 50% sont plutôt considérés comme appartenant à « mes » consultants,
- 60 à 80 % sont considérés par les clients comme des ressources externes et donc des prestataires (ce qui n’est nullement dévalorisant mais correspond à un certain nombre de missions, quelle que soit leur « étiquette »).
D’abord parce qu’un même cabinet peut se retrouver sur différents terrain, en fonction de :
- la personnalité et la réputation des clients,
- la qualité de la marque conseil,
- la personnalité et les compétences des dirigeants conseil…
Un même professionnel peut aussi être positionné différemment selon :
- son niveau de séniorité au sein du cabinet,
- son degré d’expertise et de spécialisation,
- son mode relationnel.
La logique de développement des cabinets conseil et des consultants consiste souvent à « remonter » dans l’échelle de légitimité pour être au plus près du positionnement « mon » conseil. Mais cette dynamique reste souvent individuelle ou très personnalisée et ne peut concerner qu’un nombre limité de consultants. La stratégie du cabinet peut au contraire consister à devenir incontournable dans les opérations et à en dégager une forte rentabilité.
On voit donc que le jugement client a priori (il est évalué tout au long des process de choix et de réalisation) est la résultante d’un certain nombre de critères conscients ou inconscients chez le client.
Ces critères sont rarement formalisés par les cabinets conseil en situation commerciale. Ils sont mieux maîtrisés en cours de mission, notamment quand plusieurs cabinets conseil interviennent sur différents champs ou se succèdent chez un même client.
Base d’expérience DeVenir
La stratégie du projet latéral de Bruno César et Olivier d’Herbemont, Edition d’organisation, Paris, 1998.
Voir la stratégie des alliés.
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