Le conseil, une école de management pour les jeunes consultants ? Une thèse parue en 2004 dénonce des stratégies opportunistes : profiter de la mission pour observer une entreprise , s’évaluer sur le marché et y faire carrière. Nous voyons le conseil comme un métier qui s’apprend , non un choix par défaut.
Si vous n’avez que quelques minutes
Avertissement : le contexte du métier a changé
Les crises de 2008 et 2013/2014 ont réduit les marges financières des cabinets, leurs leviers de manœuvre salariale et donc les trajectoires de carrière.
Les tendances négatives sur le marché du premier emploi des jeunes (systématisation des stages, allongement de la durée de recherche, …) touchent l’ensemble des entreprises et également les jeunes consultants, avec des effets connus sur le nomadisme et l’infidélité prêtée à la génération Y.
Le statut d’associé a aussi été désacralisé. Aussi difficile à gérer que long à conquérir, il a souvent perdu son caractère patrimonial (remise en cause du partnership).
Les frontières entre les stratèges, les Big, les indépendants, grands ou moins grands, telles qu’elles sont présentées dans l’étude sont devenues plus poreuses. Les différences, si elles demeurent, ont tendance à s’estomper sous l’effet :
- de la généralisation des enjeux IT, aujourd’hui Big data, à l’ensemble des cabinets
- de la diffusion des modèles de carrière et GRH d’inspiration Anglo-Saxonne.
Des consultants majoritairement issus des grandes écoles
« Pour les jeunes diplômés, le conseil est un peu comme une super école de formation, une sorte de troisième cycle opérationnel prolongeant en quelque sorte leur scolarité post-secondaire et venant apporter une valeur ajoutée à leur diplôme, dans une ambiance méritocratique, studieuse et formellement sympathique. »
« Il leur permet d’être les architectes de leur propre carrière, de façon limitée à l’intérieur du secteur et de façon beaucoup plus large dans d’autres secteurs de l’économie. »
Le conseil, voie d’entrée privilégiée dans l’entreprise
« C’est une formation accélérée au monde de l’entreprise, permettant de différer et d’optimiser les choix d’entrée dans un métier ou dans un secteur. Le secteur du conseil est d’abord conçu par les jeunes diplômés comme une filière d’apprentissage particulièrement performante (acquisition rapide de compétences dans plusieurs métiers et plusieurs secteurs), dont le retour sur investissement est en quelque sorte garanti.
« L’entrée dans une société de conseil autorise en outre l’accès au « sérail », c’est-à-dire la possibilité en début de carrière de côtoyer des interlocuteurs de haut niveau et d’avoir à traiter de problèmes de politique générale d’entreprise. »
Peut-on faire carrière dans le conseil ?
(note : cette thèse n’engage que les auteurs)
« Les structures de conseil sont de forme pyramidale : elles sont fondées sur la règle du « up or out » qui gouverne la gestion des ressources humaines, fondée sur la culture de la per- formance à tous les niveaux (note : junior, senior, manager, associé. Ce parcours professionnel type n’est cependant pas le cheminement le plus courant dans les entreprises de conseil. Il reste même l’exception. Les carrières des consultants sont en effet loin d’être linéaires et de se résumer à la montée progressive des échelons verticaux ainsi décrits. »
« Si les carrières sont bien balisées, les chemins parcourus sont souvent plus tortueux. La capacité et/ou le goût de faire carrière en interne ne sont dévolus qu’à une minorité de professionnels. Ceux-là gravissent dans un laps de temps relativement long les différents échelons au mérite individuel, jusqu’au rang envié d’associé, non sans avoir multiplié les expériences et très souvent tourné dans plusieurs bureaux, y compris à l’étranger. »
La formation des consultants
(note : cette thèse n’engage que les auteurs)
« La formation initiale sanctionnée par un diplôme de grande école joue comme un référent réel et comme un signal des bonnes aptitudes cognitives du postulant à l’emploi de consultant: à partir de ce pré-requis, le consultant acquiert une formation dans le cadre de l’entreprise, à la fois sur le tas et formalisée. »
« Le métier de consultant s’apprend surtout sur le tas, la plupart du temps en mission chez le client sous la tutelle d’un consultant plus expérimenté. C’est au cours des missions que le consultant va apprendre, en interaction avec le client et encadré par son chef de projet, les mille et une ficelles du métier et aura ainsi accès à la connaissance des « meilleures pratiques », aux modes opératoires et aux valeurs du métier. Les entreprises de conseil en stratégie n’hésitent pas à employer la métaphore du compagnonnage pour caractériser la relation d’apprentissage entre le consultant et son supérieur hiérarchies, insistant par là même sur l’aspect très artisanal du métier et sur le mode de transmission du savoir par les aînés (THUILLIEZ, 1986). »
« La formation au conseil est prise en charge par l’entreprise elle-même. Elle touche davantage au comportement, au « savoir-être » qu’au savoir-faire proprement dit. Elle est essentielle à l’acquisition des compétences du consultant, devient effective dès l’embauche, que le consultant soit débutant ou expérimenté, et se matérialise tout au long de sa carrière dans l’entreprise. Elle porte donc fortement les marques de l’entreprise. Elle est faite de formations ad hoc et d’une formation sur le tas, à partir comme nous l’avons signalé d’une éducation de base du meilleur niveau délivrée par le système très élitiste des grandes écoles. »
« Cette formation représente d’ailleurs un coût non négligeable pour l’entreprise de conseil mais il est « récupéré » très vite du fait d’une tarification élevée au client et d’un vivier d’anciens (les Alumni) permet à l’entreprise de générer des opportunités d’affaire : chaque ex-consultant parti chez un client est en effet un prescripteur de conseil en puissance ; la prise en charge de sa formation par l’entreprise n’est donc pas un investissement de pure perte pour l’employeur. »
Méthodologie
Pour télécharger cet article : Le conseil école de l’entreprise ou métier à part entière
Bibliographie
Travail et Emploi n° 97 Janvier 2004, p 93-103
Pour citer cet article : https://www.scolaconsult.fr/le-conseil-ecole-de-lentreprise-ou-metier-a-part-entiere/
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