Consultant au cinéma : Toni Erdmann

Le film Toni Erdmann souligne volontiers le conformisme des consultants, complètement décalé du  comportement loufoque du père qui intervient dans le monde du conseil en stratégie comme un éléphant dans un magasin de porcelaine : déguisé, se faisant passer pour le coach du dirigeant pétrolier ou l’ambassadeur d’Allemagne…

Inès, l’héroïne, adopte tout au long du film le look strict qui sied au consultant : tailleur pantalon, noir, chemisier blanc, cheveux tirés en chignon, chaussures à talons hauts pour la féminité – qui peut aussi être un atout pour la consultante.

Adoptant le comportement décalé de son père, elle fait à la fin du film un virage à 360° et organise un anniversaire où tout le monde doit arriver nu (voir ci-dessous « esprit d’équipe »).

Durant toute la durée du film, Inès est tendue vers son objectif business : vendre un deal d’externalisation à une importante société pétrolière roumaine.

Inès passe et repasse dans sa tête la proposition, les slides pleines de diagrammes et les arguments convaincants. En bonne consultante, elle propose au client plusieurs scénarios dont le scénario cible qui correspond «  à ce que le client veut faire mais qu’il n’ose pas dire ».

En un mot le scénario classique connu/connu : le problème est connu, la solution est connue mais il faut un « passeur » – le consultant – pour dénouer la situation et mettre en œuvre les options.

Tout au long du film Toni Erdmann, les consultants et leurs équipes reçoivent l’injonction paradoxale traditionnelle du conseil :

• Soyez le ou la plus performante,
• Préservez l’esprit d’équipe et soyez à l’écoute de vos collaborateurs et de vos pairs, valorisez-les.

Les consultants savent bien que leur évaluation et leurs perspectives de promotion se jouent sur ces deux tableaux mais comme Inès font l’expérience qu’il est difficile de réussir cet équilibre au jour le jour.

Toni Erdmann illustre très bien la hiérarchie qui règne dans les cabinets de conseil  en stratégie ou opérationnel :

• L’Associé qui intervient pour faire la clôture du deal et délègue le reste à Inès tous en la tenant sous contrôle,
• Le Managing Partner, Vice-président, Associate Partner (les dénominations varient selon les cabinets) qui patiente – plus ou moins longtemps – avant de parvenir au grade envié de Partner ou Associé.
• Le manager qui est le rouage opérationnel du projet,
• Les consultants qui rassemblent et analysent les données.
• L’assistante qui est la facilitatrice de toute l’équipe et se met en quatre au quotidien.

A noter et ce que la critique cinéma a souvent retenu : dans Toni Erdmann l’Associé va au bout de l’esprit d’équipe et « se met à nu » au sens propre et au sens figuré pour jouer le jeu d’Inès et faire du team building.

Le patron de la société pétrolière n’échappe pas aux clichés du capitaliste qui garde, pour un temps ? l’esprit social. Sa femme touche à la caricature – très blonde, très russe et très maigre, éperdue de shopping et qui « aime les pays où il y a une classe moyenne, c’est reposant. »

Le film est d’ailleurs par certains aspects une critique du libéralisme. A la clef de la mission conseil, des destructions d’emplois dans un pays présenté comme très pauvre au-delà des vitrines capitalistes du centre-ville de la capitale.

De là à dire que le consultant serait un agent actif du libéralisme il n’y a qu’un pas, que le film franchit mais sans militantisme puisque le vrai sujet n’est pas le pouvoir économique mais la relation père-fille.