La loi de moralisation de la vie publique interdira aux parlementaires d’exercer la profession de conseil durant leur mandat. Confusion avec le lobbying ? Sous-estimation de la diversité des métiers du conseil ? Le risque est de se priver d’une expertise revendiquée par la nouvelle Assemblée.
Attention ! risque pour le conseil
Le premier projet de loi emblématique du mandat d’Emmanuel Macron doit être présenté en Conseil des ministres, ce mercredi, par le Garde des Sceaux François Bayrou (note : remplacé depuis par Nicole Belloubet). Il doit se saisir de ce texte dès l’été. L’une des mesures envisagées figurait au programme du candidat Emmanuel Macron et a déjà été abondamment commentée : il s’agit d’interdire aux parlementaires de commencer une activité de conseil en cours de mandat, d’acquérir ou, dans certaines conditions, de conserver le contrôle d’une société de conseil. Le projet, présenté par le Garde des Sceaux le 1er juin, prévoit également d’imposer aux parlementaires l’abandon d’une activité de conseil commencée moins d’un an après le début de son mandat.
Bien entendu, nous partageons, comme la plupart de nos concitoyens, l’idée que les parlementaires doivent être dédiés avant tout aux tâches pour lesquelles ils ont été élus : voter des lois qui font avancer la France, contrôler l’action du gouvernement, représenter les territoires. Au-delà, l’objectif de cette mesure apparaît clairement, notamment après les polémiques qui ont assombri la campagne présidentielle : prévenir d’éventuels conflits d’intérêts. A nouveau, nous le partageons pleinement.
Pour autant, nous nous interrogeons sur la formulation de ces incompatibilités. D’abord, parce que leur sensibilité au regard des principes constitutionnels est réelle : rappelons que la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique avait déjà prévu d’interdire à tout député d’exercer une fonction de conseil, sauf dans le cadre d’une profession réglementée qu’il exerçait avant le début de son mandat. Mais le Conseil constitutionnel avait considéré que cette mesure « excède manifestement ce qui est nécessaire pour (…) prévenir les risques de confusion ou de conflits d’intérêts » et l’avait censurée.
La profession de conseil est très diverse et dans sa quasi-intégralité ne présente ni plus ni moins de risque de conflit d’intérêts que les autres professions, que l’employeur soit public ou privé. S’il s’agit, à juste titre, d’empêcher les parlementaires d’exercer soit comme « consultant » auto-proclamé, en dehors de toute déontologie professionnelle, soit comme avocat, des activités de conseil auprès d’intérêts privés ou publics sur des sujets relevant du Parlement, il est possible de le faire sans mettre en cause toute une profession !
En quoi commencer une activité de conseil en ressources humaines moins d’un an le commencement d’un mandat, par définition soumis à l’incertitude de l’élection, ou détenir des parts dans un cabinet de conseil en stratégie présente-t-il plus de risque que d’être fonctionnaire, cadre d’une entreprise de l’énergie, médecin ou pharmacien ?
Ces incompatibilités, si elles sont mal calibrées, risquent de décourager les professionnels du conseil d’accéder aux mandats parlementaires : dans les métiers du conseil, l’abandon provisoire de la profession a toutes les chances de devenir définitif.
Cela risquerait d’une part d’aggraver le manque de diversité de la représentation nationale que le président de la République souhaite combattre, d’autre part de la priver de l’expertise de certains conseils en matière de conduite du changement, de réforme, d’organisation, de développement d’entreprise, de concertation pour associer aux décisions les personnes concernées… Au contraire, il est possible d’éviter ces effets de bord négatifs tout en répondant aux objectifs recherchés.
Nous appelons le Parlement à prendre le temps d’affiner ces mesures, par exemple en précisant les fonctions de conseil concernées, en limitant la rémunération des activités annexes des parlementaires, en imposant des déclarations d’intérêts préalables aux votes… La transparence et l’éthique en sortiraient renforcées, sans que les professionnels du conseil soient injustement stigmatisés.
Cette tribune, cosignée par Rémi Legrand (Président de Consult’in France), Matthieu Courtecuisse (Vice-Président) et David Mahé (Administrateur) a été publiée dans Les Echos le 14 juin 2017 : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/030383971932-moralisation-de-la-vie-publique-ne-stigmatisons-pas-les-professions-du-conseil-2094395.php
Vous pourriez également être intéressé par :
Rémy Legrand Eurogroup à la tête de Consult’in France ex Syntec management
Associé d’Eurogroup Consulting, Rémi Legrand président de Consult’in France, ex-Syntec management. Objectifs : plus d’attractivité, et une capacité de transformation accrue des entreprises, mais aussi des professionnels du conseil eux-mêmes.Libérez le conseil avec Consult’in France
La reprise est là, même si elle est timide, mais la profession choisit ce moment pour s’attaquer maintenant aux enjeux de la guerre des prix et du déficit de compétitivité qui pèsent sur de nombreux cabinets conseil. Pour porter cette offensive, Syntec management écrit un Manifeste de la compétitivité et devient Consult’in France avec 49 propositions pour une vraie reconquête.
Ecrire un commentaire
Vous devez être identifié sur pour poster un commentaire.