Nous réagissons dans le journal Les Echos réagissent au dossier publié sur le thème « Comment travailler avec un consultant » et à l’article de Louis Petiet, alors Président de Bernard Krief Consultant, « l’ère des gourous est révolue ».

Ce dossier soulève un enjeu important le secteur et la profession.

Comment faire en sorte que ni les clients ni les consultants ne confondent la valeur et le prix du conseil, dans une industrie qui est avant tout une industrie d’effet.

Comment échapper aux stéréotypes et aux classifications des familles conseil qui règnent chez les acheteurs du conseil et restent ancrés dans les esprits de bien des consultants ?

Industrie de résultat et industrie d’effet

Vous soulevez dans votre dossier management  » Comment travailler avec un consultant ? « , un enjeu important pour notre secteur et notre profession : celui de la valeur et du prix.

L’évaluation de la valeur ajoutée et du prix obéissent, on le sait, à des lois et des comportements différents. Les variations peuvent être d’autant plus fortes que les biens et services sont immatériels et  » non divisibles « , pour emprunter au vocabulaire des économistes ou … des acheteurs. Mais la dure loi du prix n’est pas celle du conseil, ce qui ne veut pas dire que le conseil n’a pas de prix.Le conseil n’est pas seulement une industrie du résultat. Cette vérité se limite à quelques cas : quand le résultat devient, avec succès, un positionnement stratégique, comme vous l’évoquez à propos des  » cost killers  » ou dans les disciplines du conseil qui rapprochent une offre d’une demande, comme le recrutement et surtout la chasse, par exemple.

Le conseil est surtout une industrie d’effet. Ces effets sont co-produits avec le client et ses équipes. Notre métier est un métier d’interaction. Une part non nulle de la frustration de certains clients provient de cette impossible « recherche en paternité » des idées ou des projets et de la querelle éternelle de la  » reformulation « .

Les effets conseil sont plus ou moins rapides, visibles ou subtils, ils doivent toujours être identifiés et mesurés. Le choix des indicateurs est particulièrement critique. Il n’exclut pas, bien sûr, les indicateurs économiques et en particulier l’impact sur le résultat ou la valeur (matérielle et/ou immatérielle) de l’entreprise. Lier une partie de la rémunération aux effets obtenus permet, en effet, de concrétiser la prise de risques associés avec le client.

Une histoire du conseil revue et à corriger

L’histoire du conseil ne s’est pas bâtie par la conquête économique de tels ou tels segments de marché. Difficile donc de se ranger à la hiérarchie présentée dans vos colonnes.

Il existerait trois types de structures conseil, à chacune serait associée une logique de prix :

1 – les « grands cabinets mondiaux d’origine anglo-saxonne »,
2 – les « marchés de niche représentés par de gros cabinets, souvent avec une assise nationale ou internationale »,
3 – « un marché considérable de consultants » dits de « faux chômeurs »… le mot est plus que rude !!! composé d’anciens cadres de grandes entreprises ou d’anciens consultants grands cabinets de consultants.

Cette vision paraît doublement fausse et dévalorisante.

Elle ne retrace pas les vraies lignes de force qui ont fait la croissance et la professionnalisation de notre industrie, en France et dans le monde. Un simple chiffre à rappeler : on comptait en France 3000 ingénieurs conseil en 1970 (c’est sous ce nom que se reconnaissaient les professionnels du conseil) ; le nombre de consultants, toutes spécialités confondues, est évalué à 50 000 en 2000.

La vision proposée du conseil et du consultant ne reflète pas non plus les parcours personnels de ceux et celles (encore moins nombreuses ?), qui, à divers moments de leur vie professionnelle, ont choisi d’entrer dans le conseil, pour un temps ou pour exercer durablement des compétences et un métier.

L’image donnée semble particulièrement injuste pour les consultants  » du troisième type  » dont on doit comprendre qu’ils sont individuels ou travaillent plutôt dans de petites structures, les niches étant, elles promues, au grade de gros cabinets. Elle méconnaît les compétences et performances individuelles qui s’expriment en solo ou en réseau. Elle méconnaît aussi la maturité et la structuration importante des compétences conseil dans les grands groupes et les entreprises qui développent de structures de conseil interne. Elle méconnaît enfin les capacités de choix des clients face à l’univers des conseils.

Une industrie du conseil structurée en priorité par le client et ses enjeux.

Ce qui structure fondamentalement le choix du client (nous préférons parler de système client, tant les interactions sont nombreuses et parfois complexes), quand il veut travailler avec un consultant, c’est la nature et l’urgence de ses enjeux. Sa taille, sa nationalité, son industrie, jouent, en comparaison, un rôle secondaire. C’est d’autant plus vrai, évidemment, que le client a acquis de l’expérience et de la maturité dans l’achat de conseil, ce qui tend à se généraliser dans les entreprises, publiques comme privées.

L’expérience de DeVenir, acquise avec de nombreux clients, qui sont exclusivement, c’est une exception, d’autres professionnels de conseil, nous montre que les comportements d’achat et les critères de sélection de conseil varient fortement en fonction de  » l’état critique du client  » et de la dimension temps dominante de ce client.

Pour se forger une conviction, faire face à une crise, prendre une décision ou une orientation stratégique, assurer sa mise en œuvre, la faire partager, résoudre un problème de ressources, le client ne recherchera pas le même profil de cabinet et de professionnel.

Le client avisé n’achète pas la même prestation, et souvent pas au même cabinet, quand il doit faire face à un enjeu passé (dans une logique de bilan ou d’audit), anticiper sa vision long terme (temps prospectif), bâtir sa conviction stratégique (temps stratégique) ou assurer le succès d’un projet ou d’un plan d’action (temps opérationnel).

Les choix du client et sa manière de qualifier les conseils qui travaillent auprès de lui ou pour lui, varient en fonction de sa position sur l’échiquier de ses enjeux et l’échelle de son propre temps. A l’heure du projet et du court terme, il parlera de  » mes ressources  » (qu’elles lui soient assurées par un grand ou un petit cabinet, et quelle que soit sa spécialité ou son origine). A l’heure des décisions et du plan d’action, il fera souvent référence à  » mes consultants  » (en citant ou pas le nom du cabinet). A l’heure de la réflexion et du tête-à-tête, il citera, moins souvent,  » mon conseil  » ou il lira son nom dans les indiscrétions de la presse économique. Certains cabinets peuvent ou veulent être présents sur toutes ses logiques, d’autres ont choisi des positionnements plus ciblés, voire nichés. Mais dans tous les cas, c’est le client qui détient les clés de lecture et de choix.

Le prix de la relation

Qui sont alors ces derniers gourous dont on nous annonce la mort ? Que valent-ils sur le marché du conseil ?

En stigmatisant les  » gourous du conseil  » vise-t-on les conseils ou les cabinets qui se contentent de prêcher une messe déjà dite et de surfer sur la dernière vague du management pour proposer un  » package  » ?

Rassurons- nous. Le conseil est aussi un métier qui s’apprend… Sinon, c’est le déclin et la disparition assurés. Notre métier est l’un de ceux où la valeur n’attend pas le nombre des années, mais où son défaut provoque une fin certaine.

Vise-t-on des personnes qui savent apporter au métier et à sa pratique la dimension créatrice et l’innovation ? Vise- ton celles et ceux qui, quelle que soit la taille et la notoriété de leur cabinet, privilégient, au même titre que l’expertise technique, la personnalisation et l’intimité de la relation du client et de  » son  » conseil ?

Alors la prédiction doit être rejetée. Si nous ne le faisons nous-même avec force, nos clients sauront le faire. Ils attachent du prix et de la valeur à ce que nous construisons ensemble. Ils savent reconnaître, même au prix de la critique, la dimension relationnelle ou émotionnelle de nos relations. Ce sont eux qui, parfois et pour un temps ou durablement, nous autorisent l’accès à l’identité même de l’entreprise, de son créateur ou de son management.

C’est à cette valeur-là, aussi, que peut se mesurer le conseil. »

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    Un peu d’histoire du conseil ... Il y a quelques années, Jean Marc Thirion préfaçait le Guide Tarsus du Consulting et répondait à une question simple en apparence : « qu’est-ce qui différencie les consultants et quels sont au contraire, s’ils existent, les points communs aux professionnels du conseil, quel que soit leur domaine d’intervention ou leur spécialité. » Rappelons que le Guide CONSULTING, est l’un des outils de référence du métier et réunit – entre autres- les acteurs multi spécialistes du secteur, les conseils en stratégie, en management et Organisation, en Technologies, les conseils Opérationnel en Optimisation des coûts, les conseils en Innovation, en Finance / Banque / Assurance, les Conseil en Ressources Humaines, en Recrutement, en Développement Durable et RSE; les Conseils et Services informatiques, les SSII