La croissance du marché conseil est forte dans le monde (+7,5%) et en France (entre + 4,2 et + 8,5 %  selon les analyses déclaratives de Source Global Research et Consult’in France), dans un contexte de climat d’affaires INSEE au plus haut depuis la crise de 2008. Le marché français, 5ème au monde, représente 4,6 à 5,9 milliards €.  Croissance et transformation sont tirées par la finance et surtout le digital.

Avertissement

Croissance du marché conseil, c’est une certitude, mais à quelle hauteur et avec quelle pérennité ? Difficile d’y voir clair dans les chiffres.

Les sources concernant le marché conseil sont disparates et souvent difficiles à consolider.

Les données déclaratives sur la croissance 2016/2017 présentées dans les études de Consult’in France et Source Global Research (voir méthodologie en annexe) sont hétérogènes, d’où l’intérêt de les comparer mais les tendances de fond qu’elles dégagent sur les leviers de croissance sont identiques.

Elles sont à nuancer en fonction des indications globales nationales émanant notamment pour la France de l’INSEE (Climat d’affaires service, Enquête annuelle des Entreprises) qui fixent le cadrage de croissance macroéconomique  et apportent un éclairage légèrement moins optimiste sur les données actuelles et les prévisions.

Rappelons que le conseil est représenté dans les agrégats économiques par les classes suivantes :

  1. Section M : Services professionnels, scientifiques et techniques
  2. Division 70 : Services des sièges sociaux ; services de conseil en gestion
  3. Groupe 70.2 : Services de conseil en gestion
  4. Classe 70.22 : Services de conseil en matière d’affaires et de gestion

Catégorie 70.22.1 : Services de conseil en gestion d’entreprises

Catégories associées 70.21 – Services de relations publiques et communication

Autre nuance importante ou correction à opérer : la plupart des études sur la croissance du marché et ses tendances sont fondées sur des échantillons de moyennes ou grandes structures. Elles ne prennent pas en compte les dynamiques des petites structures ou des consultants indépendants, dominants en nombre sur le marché et qui peuvent être présents sur les différents secteurs du marché, y compris les plus innovants comme la digitalisation.

La croissance conseil mondiale est forte

Les données internationales recueillies par Source Global Research, organisme d’étude et de recherche dédié au consulting et fondé en 2007 (voir méthodologie en annexe) sont convergentes avec celles du représentant des conseils français, Consult’in France quoiqu’un peu moins optimistes.
  1. Le marché international est à la hausse, après la plus grave crise financière de son histoire.

 Selon Fiona Czerniawska (voir biographie), La taille du marché international du conseil est évaluée à environ 1 234 m£. Le marché américain reste dominant, avec + de 55 milliards $, soit presque la moitié du marché, le marché anglais  est six fois plus petit avec 9,4 milliards $, viennent ensuite le marché allemand avec 8,3, milliards $, suivi du marché australien qui devance légèrement le marché français en 5ème position avec 4,9 milliards de chiffre d’affaires.

La reprise, même timide, de la dynamique économique des entreprises entraîne dans son sillage le marché du conseil français. Avec une croissance de 4,2 % et une valeur totale de 4,3 milliards d’euros en 2016, le marché français enregistre sa meilleure performance depuis la crise de 2008.

  1. La croissance future viendra d’Asie.

Le marché américain reste dominant mais toujours plus compétitif et la demande client plus exigeante en termes de réalisations et de résultats des équipes de consultants, surtout avec la montée parallèle du digital. A contrario les pays asiatiques s’ouvrent au conseil extérieur (bien sûr avec des différences culturelles et économiques fortes entre les pays concernés, dont certains ont une forte culture de conseil interne, comme le Japon, par exemple). La croissance en Chine progresse à des taux que les pays européens pourraient lui envier, malgré  des enjeux de stabilité et de transparence. Le marché actuel du conseil, encore peu mâture, répond encore difficilement à la demande et est en manque de consultants seniors. Là encore, cette croissance des marchés asiatiques ne veut pas nécessairement dire que la demande portera sur des armées de consultants, mais sur un mix conseil traditionnel et digital.

  1. La croissance mondiale est tirée par le digital (et la finance )

Le  marché global du digital dans le monde est booming et représente  selon Source Consulting, 15 % du marché mondial, soit 1/5ème du marché américain, 2 fois le marché total au UK (£2.26 billion sur £7.31 milliards) et 5 fois le marché chinois. Et la croissance 2017 devrait être importante, Source anticipe + 17% de hausse sur ce marché dans l’année à venir.

61% des cabinets interrogés par Source aux Etats Unis déclarent qu’ils ont en cours ou planifié des projets liés à l’intelligence artificielle (IA). Les projets client et notamment la cyber sécurité se concrétisent et deviennent plus ambitieux : les facteurs d’investissement sont prioritairement la performance et le changement de business model, voire la volonté de réinventer leur industrie ou leur entreprise.

Selon les analystes de Source, le marché de l’IA devrait demeurer « fluide » et suivre (ou de préférence anticiper) les constantes mutations technologiques au rythme des développements de la transformation digitale de leurs clients.

  1. L’impact sur les acteurs conseil

Les cabinets les mieux placés pour répondre au besoin  de transformation digitale seraient selon Source les stratèges  (projection 5,3 milliards de $, après les cabinets spécialisés en technologie (9,7 milliards de $) mais tous les cabinets quelle que soit leur taille ou leur spécialité pourraient trouver leur place.

Source anticipe également un effet très positif sur le conseil en management, RH et conduite du changement, lié au déploiement des nouveaux modèles et leurs enjeux tant humains que financiers. La recomposition des modèles RH et des compétences devrait nécessiter des conseils pour gérer les conséquences de l’automatisation, notamment chez les stratèges et les Big, mais aussi dans le conseil opérationnel.

Rappelons que les données manquent concernant les petites voire moyennes structures et les indépendants.

  1. L’envers du moteur de croissance digital

Il pourrait être double :

  • Cannibaliser des offres actuelles du marché à plus faible valeur ajoutée (« low cost ») , et sans doute beaucoup plus difficilement ou temporairement des offres à valeur ajoutée plus « traditionnelles » ou personnalisées (human intensive, brain intensive)
  • Faire peser une menace sur certains emplois de consultant ou d’analyste.

Source évalue jusqu’à 72% la part de l’industrie du conseil qui pourrait être automatisée (process standards, répétitifs et donc automatisables) dans les 10 prochaines années, ce qui implique un changement profond des modèles conseil.

Les impacts de la digitalisation sur le conseil « traditionnel », à plus faible valeur ajoutée  apporté par les consultants juniors et seniors dans les firmes et cabinets (ou par les consultants d’expérience dans de plus petites structures ou en indépendants) doivent être évalués en fonction des composantes, des étapes, de la mission conseil et de ses spécificités, comme le souligne Fiona Czerniawska.

Le climat d’affaires s’améliore en France

La croissance conseil doit être analysée dans le contexte de l’économie générale. La croissance est-elle plus forte que celle des autres industries que la croissance moyenne (comme l’indique la profession) ou comparables ? L’INSEE apporte des éléments de réponse statistiques.

Le climat des affaires dans les services s’est maintenu entre  septembre et novembre 2017 à son plus haut niveau depuis six ans, dans un contexte porteur sur le plan de l’emploi, a annoncé l’Insee. L’indicateur, calculé à partir des réponses des chefs d’entreprises des principaux secteurs d’activité, s’est stabilisé à 109 points, soit un niveau bien supérieur à sa moyenne de long terme (100 points) et son plus haut niveau depuis mai 2011 après une hausse sans précédent de cinq points depuis le début de 2017.

A nuancer : l’indice augmente notamment  à la faveur d’une amélioration conjoncturelle dans l’hébergement-restauration et dans l’information-communication.

Néanmoins le climat s’améliore de manière continue dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques (auxquelles sont rattachés les métiers du conseil).  Il atteint ainsi son plus haut niveau depuis janvier 2008 et gagne un point en septembre 2017 (106). Cette amélioration se confirme et se poursuit en novembre 2017 (111). Les soldes sur l’activité et la demande prévues, les effectifs passés et les perspectives générales s’accroissent. En revanche, celui sur les effectifs prévus se replie. Tous les soldes sont au-dessus de leur niveau moyen.

Voir données Insee sur le climat des affaires https://www.insee.fr/fr/statistiques/3204511#titre-bloc-17

La croissance retrouvée en France

Sans pouvoir tout à fait prendre en compte les données macroéconomiques, qui pourraient atténuer les chiffres mis en avant par la profession, force est de souligner la croissance du marché français du conseil, après de nombreuses années noires liées à la crise de 2008 (qui suivaient des années de croissance à 2 chiffres).

Pour la quatrième année d’affilée, le marché s’affiche en croissance, et celle-ci s’est encore accélérée en 2016, selon l’étude annuelle du marché de Consult’in France (voir méthodologie)

Le conseil retrouve donc en France croissance et solidité et comme dans le reste du monde, la croissance  du marché est tirée par le digital.

Le chiffre d’affaires global du secteur a atteint 5,9 milliards d’euros, en hausse de 8,5 % sur un an. Et le mouvement devrait encore s’amplifier en 2017.

Cette croissance est supérieure à celle du marché allemand qui représente en volume, toujours le double de celui en France. Un retard historique dû notamment au moindre recours au conseil du secteur public et des PME et ETI (et sans doute à d’autres raisons plus structurantes comme l’importance du conseil interne en Allemagne).

La part de l’activité internationale en France reste stable avec 39% de l’activité en 2016.

Les tensions sur les prix demeurent. Les prestations de conseil n’ont toujours pas rattrapé la base 100 de l’indice Insee  (hors inflation) en 2010, mais on observe une légère inflexion à la hausse depuis 2015. Une majorité des missions sont effectuées au forfait (67%) versus au temps passé.

La pression des acheteurs sur les prix reste importante (voir l’article ScolaConsult à venir sur le rôle des acheteurs sur le marché conseil). Le référencement et les grilles de tarifs se généralisent. La croissance forte affichée par le secteur ne fait qu’accentuer le niveau d’exigence et de contrôle sur les prix, notamment  sur les juniors. On peut y voir un effet pervers de la transparence des prix (notamment sur les juniors que les entreprises ne sont plus prêtes à « former »), sujet de réflexion pour les instances de la profession.

Qui dit secteur en forte croissance dit tension sur les ressources humaines, et donc sur les salaires. Le marché du conseil représente désormais environ 35 000 consultants et reste majoritairement un marché de jeunes diplômés. Néanmoins le profil des consultants embauchés évolue et est soit de plus en plus senior, soit de plus en plus scientifique (un effet des développements du digital et de l’intelligence artificielle).

Le digital moteur de croissance

En France comme dans le monde, la croissance est tirée par le digital et l’intelligence artificielle.

 Le positionnement sur la transformation digitale, plus qu’un levier de croissance, est désormais un enjeu majeur pour le secteur.

Les attentes de clients évoluent : au-delà de l’amélioration de la performance, ils recherchent la transformation de leur business model (à laquelle ils sont souvent contraints pour faire face aux nouveaux entrants « digital natives » ou mastodontes de l’internet) et l’intégration dans leur stratégie globale.

La mise en conformité est un fort besoin des entreprises, qui ont fait appel aux consultants spécialisés dans la régulation, mais aussi dans la gestion des risques dont le marché a cru de 6,2 % pour une valeur de 593 millions d’euros.

Les cabinets ayant investi dans la technologie, par le biais notamment d’acquisitions pour se doter du savoir-faire nécessaire (data science, Big data, cyber sécurité…) bénéficient d’une croissance à 2 chiffres, tandis que les cabinets aux activités traditionnelles connaissent une croissance plus mesurée.

Une croissance toujours tirée par la finance

Les services financiers sont largement en tête des pôles de croissance, avec 32% de part de marché, soit une hausse de 2 points en un an, portés par la transformation digitale. Le secteur des services financiers affiche une hausse de 7,1 % pour atteindre 1,3 milliard d’euros. Les institutions financières restent notamment à la recherche de consultants pour alléger le poids de la régulation, de plus en plus important, réduire le coût de la mise en conformité, et accélérer dans le numérique et l’innovation.

Vient ensuite l’industrie, qui représente 26% de part de marché, notamment grâce à une forte hausse des missions concernant les biens de consommation (de 19% en 2015 à 33% en 2016).

Le retail (6,2 % pour une valeur de 342 millions d’euros) , il réagit à la menace que représentent les pure players comme Amazon et commence à prendre des mesures pour faire face à ce nouveau type de concurrence ». Il est suivi de la pharmacie et des biotechnologies (5,7 % à 55 millions d’euros). Les missions pour le Secteur Public représentent 10% de part de marché, juste devant l’énergie à 9%.

La prime aux grands

En 2016, 21% des répondants de l’étude Consult’in France ont vu leur périmètre évoluer et cette tendance concerne l’ensemble du secteur. On observe ainsi, aujourd’hui, une constitution importante de cabinets de taille intermédiaire (100 à 200 consultants) et la confirmation de l’explosion  des branches conseils des grands cabinets d’audit, qui connaissent une croissance de 19,4% (alors que leurs métiers du chiffre se stabilise ou décroît).

Dans leur ensemble, les différentes missions « digitales » ont surtout profité aux cabinets de conseil d’envergure mondiale, à l’instar des Big 4 (Deloitte – en particulier, EY, KPMG, PwC). Source évalue la part des 4 Big dans le marché du digital à  21%, mais les autres majors, Accenture et McKinsey, représenteraient respectivement 10 et 9 % du marché.

Ces chiffres restent à prendre avec précaution. La compétition est ouverte, y compris chez les plus petits cabinets.

Méthodologie

1.Source Global Research

Cabinet d’étude et de recherche créé en 2007 (fondateur Fiona Czerniawska, 20 ans d’expérience conseil, notamment chez EY, UK . auteur de Business Consulting: A Guide to How it Works and How to Make it Work(link is external).

Etude annuelle réalisée au plan international et monographie par pays sur la base d’entretiens qualitatifs  avec 433 dirigeants de firmes et cabinets conseil (98% privé) , stratèges, Big, conseils en management et intégrateurs réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 100 millions $ et comptant au moins 250 personnes : tendances globales du conseil, moteurs de croissance, attentes client et management du cabinet.

2. Consult’in France

Etude annuelle réalisée auprès de 98 cabinets représentant 66% du chiffre d’affaires de la profession, consultants en stratégie (21%), organisation et conduite du changement (19%), performance opérationnelle (15%) et conseil SI (15%).

L’étude est réalisée auprès de 61% d’adhérents et 39% de non adhérents, sur la base d’un questionnaire déclaratif et de 15 entretiens qualitatifs menés avec des dirigeants du secteur sur leur perception de la situation actuelle et leurs perspectives à court et moyen terme.

Bibliographie

2016 : +8,5% pour la filière du Conseil ! Etude de marché annuelle Consult’in France https://consultinfrance.fr/a-la-une/2016-8-pourcent-pour-la-filiere-du-conseil/

Le conseil est en pleine forme par Antoine Boudet – Les Echos | Le 08/06/2017

https://www.lesechos.fr/08/06/2017/LesEchos/22461-081-ECH_le-conseil-est-en-pleine-forme.htm

Le marché du conseil français reprend des couleurs – Les Echos | Le 29/03/2017 https://business.lesechos.fr/directions-financieres/comptabilite-et-gestion/audit/0211922893314-le-marche-du-conseil-francais-reprend-des-couleurs-307955.php

Digital transformation consulting market booms to $23 billion 30 May 2017 Consultancy.uk https://www.consultancy.uk/news/13489/digital-transformation-consulting-market-booms-to-23-billion

The France consulting market in 2017, Source Global Research, rapport mars 2017, http://www.sourceglobalresearch.com/report/download/3022/extract/The-France-Consulting-Market-in-2017

Growth : Looking for East Fiona Czerniawska Source post 14 novembre 2017 http://www.sourceglobalresearch.com/blog/2017/11/14/looking-for-growth-go-east?

Automation will only eclipse part of consulting, Fiona Czerniawska Source post 22 novembre 2017 http://www.sourceglobalresearch.com/blog/2017/11/22/automation-will-only-eclipse-part-of-consulting

Le climat des affaires se maintient à un niveau élevé

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/09/26/97002-20170926FILWWW00049-france-le-climat-des-affaires-se-maintient-a-un-niveau-eleve.php

Informations rapides INSEE Indicateurs de climat des affaires et de retournement conjoncturel No308 – En novembre 2017, le climat des affaires en France et celui de l’emploi s’améliorent encore – paru le 23 novembre 2017

https://www.insee.fr/fr/statistiques/3204517

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