La légitimité se construit au-delà des croyances et de la compétence. Elle est fondamentale dans nos métiers du conseil. Pour le consultant, la légitimité n’existe que dans l’œil de celui qui l’évalue. Elle repose sur 4 leviers : légitimité statutaire, d’expertise, relationnelle ou morale.

Légitimité : définitions

Le terme de « légitimité » évoque le fondement du pouvoir et la justification de l‘obéissance qui lui est due.

Les philosophes évoquent plusieurs natures de légitimité au sens politique :

  • Légitimité monarchique : le pouvoir procède du droit divin.
  • Légitimité démocratique : le pouvoir procède de la volonté du peuple, exprimée par le suffrage universel.
  • Légitimité légale : le pouvoir procède de la conformité à la loi ou à la constitution ou encore aux traditions politiques.

Il existe aussi 3 types de légitimité identifiés par le sociologue Max Weber (l’auteur qui a le plus théorisé ce thème):

  • Légitimité charismatique: elle repose sur la foi qu’ont les gens dans les qualités personnelles de celui qui donne les ordres et qui est doté de « qualités surnaturelles, surhumaines, ou du moins particulièrement exceptionnelles ».
  • Légitimité traditionnelle : elle repose sur la croyance dans le caractère sacré et la permanence de l’ordre social, des règles et procédures.
  • Légitimité rationnelle-légale ou bureaucratique : l’autorité est impersonnelle, elle procède de la conformité  à une règle, à une norme.

L’expérience de DeVenir nous a permis d’identifier et de théoriser les composantes de la  légitimité individuelle dans nos métiers du conseil et de l’immatériel.

La personne reste un élément clef de la relation conseil.

La légitimité personnelle du consultant repose sur 4 leviers qui peuvent ou non se combiner :

  1. La légitimité statutaire (souvent dite hiérarchique ou managériale),
  2. La légitimité d’expertise (ou technique),
  3. La légitimité relationnelle,
  4. La légitimité morale.

La légitimité se juge aussi au niveau du cabinet conseil. On parle alors de légitimité organisationnelle (voir article : Votre cabinet conseil est-il légitime ?).

Dans l’œil de l’autre…

La légitimité est « un jugement, une validation qui n’existe finalement que dans l’œil de celui qui l’évalue », client, prospect, prescripteur, mais aussi manager, équipe et confrère.

La légitimité ne se revendique pas, elle ne se décrète pas. Elle laisse une empreinte. Elle existe et est contrôlée soit en dehors de l’organisation soit en interne au cabinet conseil.

La légitimité conseil se construit (et se déconstruit parfois) si et seulement si les autres acteurs (internes au cabinet ou extérieurs) expriment leur consentement et leur adhésion.

Cette faculté de donner de la crédibilité s’appelle la confiance.

La légitimité du consultant repose sur la compétence mais va au-delà. La compétence apporte seulement une présomption de légitimité qui doit ensuite, et en permanence, être entretenue et confirmée.

Dans les métiers du consulting et dans les services plus généralement, la légitimité est un bien immatériel et instable. Elle constitue une ressource opérationnelle pour le consultant et le cabinet de consulting.

La légitimité personnelle du consultant s’exprime et se reconnaît à ses effets, volontaires ou involontaires. Elle se traduit et se construit travers des signes repérés par d’autres : des symboles, des attitudes ou des comportements, une empreinte. .. Elle se retrouve dans la qualité des interventions et la cohérence de la relation, du questionnement, du discours …

La légitimité statutaire

DEFINITION

La légitimité statutaire, parfois dite hiérarchique ou managériale, désigne la reconnaissance du pouvoir et de l’autorité conférés à un individu en fonction de sa place, de son rôle dans l’entreprise et de son titre.

Elle ne se résume pas à un titre ou une position dans l’organigramme.

Elle reconnaît la capacité à développer des compétences spécifiques : incarner l’entreprise, développer une vision pour le futur, fixer des objectifs et entraîner les femmes et les hommes qui la composent.

Ces compétences sont souvent évoquées sous le terme de leadership ou de charisme *.

MODE DE CONSTRUCTION

Légitimité verticale

En droite ligne avec la structure de l’entreprise, le modèle d’organisation du travail et de des missions :

  • organisation bureaucratique au sens de Weber, avec une forte standardisation des procédures,
  • organisation centralisée ou non,
  • organisation matricielle,
  • organisation hybride mixant les différents modèles…

VALIDATION

  • Adhésion des équipes et reconnaissance de la hiérarchie
  • Exemplarité et charisme reconnu
  • Confiance

A NOTER

Charisme signifie en grec la grâce ou la faveur attachée à une personne ou à un acteSelon Max Weber : « la qualité extraordinaire, à l’origine déterminée de façon magique, d’un personnage qui est considéré comme doué de forces et de qualités surnaturelles ou surhumaines, ou au moins spécifiquement extra-quotidiennes qui ne sont pas accessibles à tous ou comme exemplaire, et qui pour cette raison est considérée comme « chef » (ou leader dans notre vocabulaire plus contemporain, la notion de chef ayant été souvent dévalorisée dans l’entreprise).

La légitimité d’expertise

DEFINITION

 La légitimité d’expertise, parfois appelée technique, repose sur la capacité reconnue d’un individu, face à des données ou un problème, à développer et utiliser ses savoirs techniques et d’expérience pour gérer, contrôler ou améliorer les opérations et trouver des solutions aux problèmes posés.

Elle repose sur la connaissance des normes, méthodes et processus d’intervention en vigueur dans un champ ou un métier donné et la mise en conformité des procédures ou opérations.

En fonction des niveaux de savoir et d’expérience, la légitimité d’expertise permettra de transmettre des compétences, faire évoluer les normes, voire d’en concevoir de nouvelles

Un consultant est jugé légitime  au plan technique lorsqu’« il ou elle est celui qui sait et à qui l’on a recours ».

MODE DE CONSTRUCTION

Légitimité exogène, conférée par d’autres et notamment par les pairs  ou d’autres experts à l’extérieur de l’entreprise, dans une compétence donnée.

Le rattachement s’effectue :

  • soit dans un rôle temporaire ou complémentaire des fonctions habituelles
  • soit dans un positionnement formel au sein de l’entreprise, alors sans responsabilité directe sur la mise en œuvre,
  • dans d’autres cas l’expertise est « achetée » en externe auprès de spécialistes reconnus ou de grands agences ou cabinets conseil spécialisés.

VALIDATION

Elle est évaluée par :

  • les autres experts ou spécialistes reconnus,
  • et/ou des organisations dédiées (instances de certification, par exemple …),
  • mais aussi par les pairs et par la hiérarchie à l’intérieur du cabinet conseil.

La légitimité relationnelle

DEFINITION

La légitimité relationnelle est la capacité à gérer une relation (des interactions) et à comprendre et influencer en situation un interlocuteur.

Elle est reconnue dans un système externe et/ou interne.

Un consultant est jugé légitime  au plan relationnel lorsqu’il ou elle a un impact, fait la différence.

MODE DE CONSTRUCTION

Identification et reconnaissance horizontale :

  • par le client, et notamment par les dirigeants, en sachant créer une relation « peer to peer »)
  • par le management,
  • par l’équipe,
  • par les pairs …

Légitimité interne et externe, conférée :

  • en situation (entretien, réunion, échange informel, en cadre commercial et/ou en mission…)
  • et a posteriori par l’interlocuteur (« il a bien compris, il peut nous apporter…il ou elle se démarque des autres ».)

VALIDATION 

  • intérêt, empathie, reconnaissance mutuelle,
  • capacité à structurer le cadre, trouver la bonne distance,
  • capacité à mettre en scène l’information et à réduire ou atténuer les asymétries d’information,
  • coproduction d’idées ou de réalisations,
  • réduction de l’incertitude et projection dans l’avenir …

La légitimité morale

DEFINITION

La légitimité morale (à ne pas confondre avec la responsabilité éthique) d’un individu est liée à sa capacité  à créer – de manière consciente ou inconsciente – une rupture ou une avancée significative  dans la manière d’agir ou de penser.

Elle permet de devenir une autorité sur un sujet et intervient dans la sphère professionnelle et au-delà (responsabilités sociales, associatives, sportives, ou publiques, par exemple …)

Un consultant est jugé légitime  au plan moral lorsqu’il ou elle est une référence, a laissé son empreinte.

MODE DE CONSTRUCTION

Evaluation multiple, à «  360° »  par :

  • la communauté interne,
  • une communauté externe (le plus souvent),
  • les pairs au plan national ou international,
  • la communauté métier,
  • et au-delà.

Légitimité souvent sanctionnée ex post (des écrits, une série de travaux, une vie professionnelle, …).

VALIDATION

  • Notoriété et influence,
  • Prise  de parole : publication, participation à des commissions ou comités d’expert,
  • Audience au-delà de la sphère du consulting, nationale voire internationale,
  • Rôle modélisant (ou de contre modèle) : nouvelles méthodes, nouveaux modes d’apprentissage et de formation, nouvelles écoles de pensée, disciples reconnus …
Bibliographie

Base de données et d’expérience DeVenir

Max Weber, Économie et société, Tome 1 : Les catégories de la sociologie, Coll. Recherches en sciences humaines, Plon, Paris, 1971

Jürgen Habermas, Raison et légitimité, Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, Payot, Paris, 1978.

Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982, réédition 2011

Alain Renaut, La fin de l’autorité, Paris, Flammarion, 2004

Buisson Marie-Laure, « La gestion de la légitimité organisationnelle : un outil pour faire face à la complexification de l’environnement ? », Management & Avenir, 4/2005 (n° 6), p. 147-164 URL : http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2005-4-page-147.htm

Buisson Marie-Laure, « Légitimité et sciences de gestion : état des lieux et perspectives », Humanisme et Entreprise, 4/2008 (n° 289), p. 29-57 http://www.cairn.info/revue-humanisme-et-entreprise-2008-4-page-29.htm

Zimmerman, G.J. Zeitz (2 002), « Beyond survival : Achieving new venture growth by building legitimacy », Academy of Management Review, 27, n°3, p.414-431. http://www.jstor.org/stable/4134387