Les Millennials transforment l’entreprise, la mettent à l’heure du digital. Ils cherchent des opportunités de développement rapide et du feed back. Individualistes avec le sens du collectif, ils veulent des coachs plus que des managers. Le conseil a sa carte à jouer pour les attirer, les fidéliser (un temps ?)

Qui sont les Millennials ?

On entend beaucoup le terme de Millennials, mais de qui parle-ton vraiment ?

Les classes d’âge  varient mais l’on définit en général les Millennials ou Génération Y comme les personnes nées entre 1981 et 2000 (la génération X désignant ceux nés entre 1965 et 1979). Certaines analyses parlent même de génération Z pour les  individus nées entre 1993 et 2000. On parle aussi de netgeneration, screenagers, ou plus souvent de digital natives pour ces jeunes qui sont nés et ont grandi avec les nouvelles technologies et en maîtrisent les usages.

« Les Millennials sont en fait une génération diverse, qui mute, veut s’exprimer et qui refuse d’être mise dans une case. Le fait de sans cesse chercher à échapper à la segmentation est peut-être devenu paradoxalement le signe identitaire de cette génération à la fois mouvante et déterminée ».

« Tous les 20 ans apparaît une nouvelle génération au travail qui remet en cause les pratiques managériales précédentes. Pour la première fois tout se passe comme si la génération des Millennials avait moins besoin de s’adapter au monde de l’entreprise, de se normaliser par rapport à lui, que de faire que le monde s’adapte à eux. »

Les Millennials font l’objet d’un grand nombre de stéréotypes. Ils seraient immatures, insouciants et narcissiques, peu actifs, rivés à leurs écrans et addicts à Internet, aux réseaux sociaux et aux relations virtuelles, indécis face à l’avenir, mais ambitieux, mercenaires dans leur relation au travail…

Cette nouvelle génération a un fort potentiel pour autant que l’entreprise (et notamment le cabinet de conseil) sache l’utiliser ou le canaliser.

Les Millennials ont un niveau d’éducation élevé. Ils sont une génération connectée (qui attend que son environnement de travail le soit aussi). Ils savent agréger et gérer les informations (compétence hypertexte) et sont multitâches.

Ils apprennent par le visuel plus que par l’écrit et dans l’action. Ils veulent être autonomes dans leur formation. Ils ont besoin d’interactions permanentes et de travailler en équipe, même s’ils sont par ailleurs très autonomes. Ils détestent le « micro management » contrôlant (« c’est comme cela qu’on doit faire et qu’on a toujours fait»). Ils ont en attente de feed-back rapide et de reconnaissance du travail réalisé.

La génération digital native recherche un environnement de travail flexible et préfère les contacts et les process de travail informels. Les Millennials sont des « homo interruptus » et ont besoin de pauses et d’interruptions fréquentes dans le travail. Surtout, ils ne conçoivent pas le travail sans plaisir. Ils font leur l’adage « travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler ». Ils ont aussi besoin d’avoir la « gobal map », de donner des perspectives à leur action et de se donner des objectifs. Ils attendent de leur entreprise une vision et sont sensibles à ses engagements (type RSE, par exemple).

Enfin les Millennials ont un fort besoin de reconnaissance. Ils comparent et estiment leur valeur sur le marché du travail et n’ont pas peur de changer de job. Ce n’est pas pour eux un signe d’instabilité, ils considèrent que cela enrichit leur parcours.

Une enquête de la Cegos (2017) – voir le rapport complet et la méthodologie en bibliographie – révèle que les Millennials sont

  • Lucides et pragmatiques : ils ont compris le sens de l’évolution du travail et de l’emploi et la nouvelle normalité du travail, faite d’imprédictibilité, d’incertitude et de changement permanent (le concept de flexisécurité est jugé pertinent par eux à 68%)
  • Confiants dans l’avenir, dans leur entreprise, à 78%
  • Satisfaits de leur vie professionnelle, même s’ils privilégient leur vie de famille (à 90%),
  • Promoteurs de leur entreprise,
  • En même temps plutôt ouverts à l’idée de quitter leur entreprise ! Ils sont 58% à se dire satisfaits de leur emploi actuel, pourtant 48 % sont prêts à le quitter à court ou moyen terme, ce sont des « zappeurs opportunistes », qui s’engagent si tout va bien mais restent en veille et sont ouverts à toutes les opportunités d’emploi.

La rémunération est le facteur premier d’attractivité pour un poste (93 %, loin devant l’objectif de s’épanouir, se réaliser (54%), avoir une vie sociale (42 %), développer ses compétences (40%) … L’objectif pragmatique étant de bien gagner sa vie rapidement et  de développer des compétences dans de bonnes conditions pour assurer  un  levier important d’adaptation permanente.

Dans ce contexte, la légitimité managériale ne repose plus sur l’expertise mais sur le relationnel. A la question « selon vous quelle est la qualité la plus indispensable pour être un bon manager ? » les Millennials répondent :

  1. Ecoute (54%)
  2. Leadership, autorité et compétence (21%)
  3. Empathie (11%)
  4. Humanité, savoir être (11%)

Les Millennials et le conseil

Les firmes et cabinets conseil (et audit), qui sont d’importants employeurs des jeunes diplômés s’interrogent sur le moyen d’attirer, séduire et fidéliser celles et ceux qui arrivent sur le marché du travail et cherchent à leur offrir de nouvelles pratiques de travail.

Une étude récente publiée par le cabinet Accenture en 2017 (voir résultats détaillés et méthodologie en Annexe ) montre que les grandes entreprises ne suscitent pas autant d’engouement auprès des jeunes diplômés ou des jeunes ayant une ou deux années d’expérience.

Cette étude Accenture révèle aussi que parmi ceux issus des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, 9 % seulement ont l’intention de rester plus de cinq ans dans leur premier emploi, contre 18% des jeunes issus de l’université (les deux gisements de recrutement dans le conseil, le second étant plus récent).

Ils ont le sentiment d’être employés majoritairement dans leur domaine de compétences à 79% pour les Grandes Ecoles et 57 % pour les universitaires mais 72% pensent être sous-employés dans l’entreprise qui ne leur offre pas toujours « l’expérience employé » qu’ils attendent au bout d’un ou deux ans, d’autant plus qu’ils ont préparé leur entrée dans le monde du travail (82 % ont suivi des stages – parfois dans le cabinet – ou pour une part ont choisi une formation en alternance ou en apprentissage).

Comment dès lors le conseil peut-il trouver une cohérence entre ce qu’il peut offrir et ce que les générations Millennials et particulièrement les générations Z attendent ?

Pour répondre à cette question, la même étude avance que 83 %  des jeunes diplômés s’attendent à ce que leur premier employeur accorde une attention particulière à leur formation et formalise son offre de formation.

Plus de la moitié d’entre eux considèrent l’environnement de travail épanouissant et collaboratif, même si la rémunération y est moins élevée, comme critère discriminant entre deux offres d’emploi.

Outre la rémunération, leurs critères de sélection concernent : l’intérêt du travail et son caractère stimulant, l’environnement innovant, les opportunités de progression rapide, ainsi que des horaires de travail flexibles et des offres de formation.

84 % des générations Z se déclarent prêts à se délocaliser pour un nouveau job et 48 % accepteraient de travailler le weekend end, mais (ce qui est nouveau), ils attendent la même souplesse de la part de leur employeur. Leur flexibilité du travail est relative et doit s’accompagner d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

« Il y a un vrai travail de réflexion à mener de la part des grandes entreprises en lien avec la promesse employeur et la relation qu’elles doivent tisser avec ces jeunes collaborateurs. » explique Céline Laurenceau du cabinet Accenture.

Les Millennials jouent un jeu à la fois fortement individuel (les détracteurs parlent de génération « moi, je ») et très collectif. « L’entreprise  est perçue  comme un espace-temps et un lieu qui doit favoriser l’amplification de  la capacité  d’action  individuelle  grâce  à la présence d’un environnement innovant et stimulant. Elle offre ainsi à chacun un espace pour amplifier son individualisation, se distinguer des autres par l’apprentissage et la formation sans pour autant s’isoler du collectif. »

La réponse à la question : « faut-il adapter les pratiques de travail aux Millennials ? » semble donc  appeler une réponse évidente. Pour autant, il persiste des tensions contradictoires entre les objectifs de l’entreprise, la réalité du terrain et les modes de management. Le digital et l’innovation managériale, au cœur de la transformation des entreprises nécessitent une évolution profonde des pratiques de travail et des modes de management des firmes et cabinets conseil.

Stratégies du conseil pour attirer et fidéliser les Millennials

L’étude réalisée par Accenture met en évidence 5 stratégies pour capitaliser sur les attentes des Millennials et les fidéliser :
  1. Décloisonner les talents

  2. Créer du lien et du sens

  3. Planifier la montée en compétences

  4. Etre full digital

  5. Coacher plutôt que manager

 

  • Décloisonner les talents

Les cabinets sont amenés à rendre leur organisation plus hybride et modifier leurs modèles de management RH et de staffing sur les missions. Ils bousculent les barrières antérieures entre opérationnel et fonctionnel ou intègrent de nouvelles compétences dans les équipes : « critical thinkers », designers, « marketers » et spécialistes de l’intelligence artificielle. La transversalité est devenue plus qu’un mot, une valeur et un mode de management. Les formations aussi deviennent transversales.

La transversalité préside aussi à l’organisation des environnements de travail : open space, co-working, labs, se généralisent et l’espace de travail cesse d’être un espace hiérarchique (le fameux bureau d’associé).

  • Créer du lien et du sens

Bien que la génération Z soit entièrement digitale, elle ne néglige pas le facteur humain dans l’entreprise. 36% des nouveaux recrutés préfèrent les meetings en face à face, 31 % considèrent que leurs compétences en communication ou solution de problème sont un atout pour attirer de futurs employeurs.

Il est important par ailleurs que ces nouvelles générations se reconnaissent dans leurs attentes mais aussi dans la « global map » et dans les valeurs de l’entreprise. Celle-ci doit leur permettre de participer directement ou indirectement à de grandes causes et d’identifier leur propre contribution (cette adhésion ne les empêche pas d’être zappeurs si des opportunités se présentent).

  • Planifier la montée en compétences

On l’a vu, la formation est une attente forte et certains jeunes recrutés ont le sentiment d’être « sous-utilisés ». les Millennials sont des « continuous learners ». Il est important de construire des plans de carrière et de développement personnalisés et d’associer les jeunes recrues en amont à la définition de ce plan. Plus important encore, il faut pouvoir offrir des opportunités et des missions variées, pour pouvoir développer un large éventail de différents talents (secteur, taille de projet, environnement technologique, international, …).

  • Etre full digital

La formation au digital est considérée comme un acquis. 78% des Millennials considèrent qu’ils ont été bien formés au monde connecté et aux nouvelles technologies (attention à l’obsolescence des compétences ...) et 65 % sont prêts à travailler avec ou sur l’Intelligence Artificielle.

Les firmes et cabinets doivent créer des initiatives qui permettent de capitaliser sur l’intelligence collective des générations Z et sur leur affinité naturelle avec les nouvelles technologies. Ils peuvent par exemple développer les laboratoires d’innovation internes, donner accès à la recherche sur les nouvelles technologies et l’IA …

Plus généralement le digital doit imprégner le management quotidien : adoption de méthodes collaboratives innovantes, mise en œuvre des modes de management digitaux (cloud d’entreprise, réunion en visioconférence, organisation des espaces de coworking, adaptation à l’environnement technologique des clients).

A noter sur ce point : les professionnels du conseil doivent commencer à s’interroger sur l’impact de l’IA en termes de commoditisation voire destruction de leurs propres emplois, intellectuels et à valeur ajoutée mais répétitifs (data mining, par exemple).

  • Coach plutôt que manager ou leader

La tension peut être forte entre l’approche managériale prescriptive et fondée sur l’expertise et/ou le modèle et le leadership encore en vigueur et les attentes des jeunes diplômés ou expérimentés d’un nouveau mode de management plus collaboratif et flexible.

Les Millennials recherchent des guides pour avancer dans leur travail. Comme cela a été décrit par Brack (2012) « ils considèrent davantage les managers comme des coachs et des mentors ».

Les évolutions technologiques rebattent les cartes : les Millennials sont capables de trouver l’information par eux-mêmes dans un laps de temps très court et ne l’attendent plus d’un manager ou Associé. Ce qu’ils attendent en revanche est un feed back et une motivation dans un temps lui-même très court, voire quasi immédiat.

Le coaching n’est pas nécessairement formel ni consommateur de temps,  il peut se limiter à une réponse rapide à un mail, une conversation de quelques minutes.

Il repose sur le partage avec l’ensemble du groupe des objectifs, des risques et des deadlines et sur des unités de mesure (les Millennials ont été nourris au chiffre et à la mesure, ils en attendent aussi sur le lieu de travail). Les Millennials seront d’autant plus motivés qu’ils n’auront pas peur d’être critiqués et qu’ils recevront des feed backs et des récompenses, même plus ou moins minimes en apparence et souvent festives (déjeuner, plage de liberté, célébration d’un succès ou d’une fin de mission, … « Les meilleurs managers savent utiliser un ratio de feedback de cinq positifs pour un négatif ». Bien qu’il soit tentant de se concentrer sur le négatif, donner un retour positif est l’un des meilleurs outils d’enseignement avec la génération Millennials.

Bibliographie

Les Millennials, une génération qui échappe aux catégories, 6 novembre 2015  Elio Panese https://blogs.letemps.ch/elio-panese/2015/11/06/les-millennials/

« Faut-il adapter les pratiques de travail aux attentes des « Millénials » ? Le cas des cabinets d’audit et de conseil » par Yves-Alain Ach le 3 janvier 2018 dans The Conversation

https://theconversation.com/faut-il-adapter-les-pratiques-de-travail-aux-attentes-des-millenials-le-cas-des-cabinets-daudit-et-de-conseil

Enquête les Millénials et le travail : l’entreprise au défi, Cegos, 2017 https://www.cegos.fr/Pages/les-jeunes-et-le-travail-enquete-cegos.aspx

https://www.cegos.fr/Documents/cegos_barometre_les_millenials_et_le_travail.pdf

Place à la génération Z, Accenture strategy 2017 https://www.accenture.com/fr-fr/insight-gen-z-rising

Generation Z rising, étude internationale Accenture voir le rapport https://www.accenture.com/t00010101T000000Z__w__/fr-fr/_acnmedia/Accenture/Conversion-Assets/DotCom/Documents/Local/fr-fr/PDF_6/Accenture-Strategy-Workforce-Gen-Z-Rising-POV-FR.pdf

Seven Tips for Managing Generation Y par Jennifer Kilber, Allen Barclay, Douglas Ohmer, Journal of Management Policy and Practice vol. 15(4) 2014 http://www.na-businesspress.com/JMPP/BarclayA_Web15_4_.pdf

4 manières de transformer les Millennials en employés fidèles par Iris Maignan  23 janvier 2018

https://www.maddyness.com/entrepreneurs/2018/01/23/management-millennials/

 

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