L’Etat s’entoure de consultants pour mener à bien ses réformes du secteur public. Un article des Echos partiellement repris ici nous donne les résultats de l’appel d’offres de 25 millions € engagé pour la transformation publique. Il recense les vainqueurs et les perdants pour une carte du conseil rebattue.

Si vous n’avez que quelques minutes

L’Etat a choisi les cabinets conseil qui vont l’aider à réussir sa politique de transformation. Au premier rang le BCG et EY. Autre tandem gagnant, Roland Berger et Wavestone. Les plus gros changements concernent le lot Stratégie : Cap Gemini sorti, McKinsey et Accenture retenus mais exclus des autres lots.Enfin, derniers concurrents retenus, Eurogroup et Inops, une plate-forme de jeunes pousses. Parmi les absents, Deloitte, PwC et KPMG et BearingPoint.

L’Etat recherche des consultants

L’Etat est un marché important pour les grands cabinets de conseil et les Big, néanmoins toujours derrière les services financiers et l’industrie en pourcentage de leur activité. Ils ont développé des approches et des équipes spécialisées . On observe même une certaine «porosité» entre le milieu du conseil, notamment en stratégie, et la haute fonction publique. Les échanges de compétences entre consultants et haut-fonctionnaires sont assez fréquents, qu’il s’agisse de détachements ou même de recrutements, notamment sur des rôles de «public advisors.»

Le recours aux consultants a connu différentes vagues, en fonction des programmes de transformation lancés par les différents gouvernements, quelle que soit leur sensibilité politique : RGPP, MAP et désormais le programme Action publique 2022, lancé le 13 octobre, par le Premier Ministre, aux côtés de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics et de Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique.

Le gouvernement Macron reprend ainsi l’offensive de la réforme de l’Etat stratège avec la nomination, comme délégué interministériel à la transformation publique, d’un proche, Thomas Cazenave.

Cette nouvelle impulsion marque la volonté de mettre en œuvre tout le potentiel des nouvelles technologies pour un Etat 4.0. « Ce programme ambitieux vise à repenser le modèle de l’action publique en interrogeant en profondeur les métiers et les modes d’action publique au regard de la révolution numérique qui redéfinit les contours de notre société. »

Les montants en cause dans l’appel d’offres (25 millions d’€ contre un total prévisionnel de 700 millions d’€) relativisent le poids des conseils. Ils permettent cependant de souligner leur rôle (parfois critiqué comme technique ou coûteux, y compris par la Cour des Comptes en 2012) de catalyseurs de transformation à réaliser par la fonction publique elle-même et notamment par les Administrations centrales.

La logique privilégiée est d’enrichir et – ne l’oublions pas – d’adapter le management public au regard des derniers développements du management privé en entreprise et aussi dans les administrations internationales, dont certaines peuvent servir de références sinon de modèles.

Le choix est aussi de constituer des équipes de projet mixtes, pour permettre d’accélérer la capacité de transformation de l’administration et des politiques publiques et de mieux intégrer et faire accepter les changements nécessaires.

Outre l’apport méthodologique et la dynamique de projet que représentent les consultants, leurs recommandations apportées de l’extérieur bénéficient d’une présomption de légitimité (suivant le principe bien connu des consultants du « not invented here »).

Un appel d’offres complexe

Trois lots avaient été mis en compétition par l’Etat dans son appel d’offres :

1.    « Stratégie et politiques publiques » (3 lots)
2.   « Conception et mise en œuvre des transformations » (4 lots)
3.   « Performance et réingénierie des processus ».

« Des études de cas ont été soumises à l’ensemble des candidats devant remettre leur réponse détaillée pour chacun des lots 2, « Conception et mise en oeuvre des transformations », et 3, « Performance et réingénierie de processus « , les études de cas concernent trois prestations : concrétisation de la vision stratégique, conception de la transformation et sa mise en oeuvre pour celles du lot 2 ; appui à l’analyse de la performance, appui à une opération de réingénierie de processus et appui au pilotage. » (voir article Antoine Boudet du 27 décembre 2017 dans les Echos)

L’appel d’offres représente un montant global annuel d’environ 25 millions d’euros et permet aux cabinets de consultants retenus dans les contrats-cadre de travailler avec toutes les administrations, sauf celle de la Défense, qui dispose de ses propres procédures.

Les Echos (le journaliste Antoine Boudet) ont eu la primeur des résultats de l’appel d’offres en cours. L’article paru le 7 juin 2018 est largement reproduit ci-dessous. Les citations figurent en italiques.

 » Les consultants attendaient depuis plusieurs mois les résultats de l’appel d’offres du marché de la Direction interministérielle de la transformation publique lancé en octobre 2017.

Les résultats sont finalement tombés le mois dernier, mais n’ont pas été rendus publics. « Les Echos » ont pu les consulter et ces résultats révèlent d’importants mouvements parmi les consortiums de conseils constitués pour l’occasion. »(source Les Echos)

 

Et les gagnants sont …

 « Le consortium de consultants constitué du Boston Consulting Group (BCG), de retour sur le marché public, et d’EY France se taille la part du lion du dernier appel d’offres de l’Etat en arrivant numéro deux sur les trois retenus pour le lot 1, et leader sur les quatre sélectionnés pour le lot 2.

EY est le seul des Big 5 a avoir été retenu comme une consécration de sa stratégie conseil, une offre conjuguant conseils en stratégie, en transformation et en technologie.

Autre tandem gagnant, celui formé par les consultants de Roland Berger et Wavestone, en tête sur le lot 1 et troisième sur le lot 3.

Cap Gemini ressort sort en tête pour le lot 3 et dernier pour le lot 2, mais est sorti du lot Stratégie qu’il détenait seul précédemment.

En revanche, McKinsey et Accenture ont obtenu d’être dans le « tourniquet » Stratégie, le contrat-cadre prévoyant un système de rotation. Mais ce duo historique sur ces marchés publics est absent des deux autres lots. 

Enfin, derniers concurrents retenus, Eurogroup dans les lots 2 et 3 et, nouvel entrant, Inops, une plate-forme de jeunes pousses, dans le lot 2.

L’appel d’offres n’a pas été un parcours tranquille. Parmi les absents, outre Deloitte, PwC et KPMG, BearingPoint avait engagé un recours contre l’attribution du lot 2 avant de retirer sa plainte à la veille de l’audience.

Thomas Cazenave, le patron de la DITP, devrait recevoir l’ensemble des cabinets retenus courant juin pour définir la mise en œuvre de ces nouveaux marchés qui devraient concrétiser les chantiers de réforme de l’Etat. » (source Les Echos) »

Bibliographie

Programme Action Publique 2022 https://www.gouvernement.fr/action/action-publique-2022-pour-une-transformation-du-service-public

Cabinets de conseil : les gagnants et les perdants de la réforme de l’Etat, Les Echos, Antoine Boudet 7 juin 2018 https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/0301759665795-conseil-les-gagnants-et-les-perdants-de-la-reforme-de-letat-2181823.php

Comment l’Etat entend mener à bien la transformation de l’action publique Les Echos, Antoine Boudet, 27 décembre 2017 https://www.lesechos.fr/27/12/2017/lesechos.fr/0301072356105_comment-l-etat-entend-mener-a-bien-la-transformation-de-l-action-publique.htm#

Transformation de l’action publique : les appels d’offres d’État qui aiguisent les appétits, Consultor.fr, 12 janvier 2018 https://www.consultor.fr/devenir-consultant/breves/5015-transformation-de-l-action-publique-les-appels-d-offres-d-etat-qui-aiguisent-les-appetits.html

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